L’amour, dans son acception courante, est ce qui fait que deux êtres s’attirent, sans que nous nous interrogions sur ce qui les met en relation et qui le permet. Ainsi l’amour est-il souvent vécu comme un champ de forces qui tend à la fusion entre deux êtres, à un retour à l’état originel. A terme, c’est la mort de toute relation, telle que la réalise de façon illusoire la vie sexuelle. Illusoire car la réalité des corps physiques subsiste dans leur opacité, leur vieillissement. La multiplicité des expériences ou des partenaires ne change rien, elle ne fait qu’apporter un semblant de crédit à l’ère du pulsionnelle dans lequel nous vivons, un contentement éphémère, illusoire aux réveils bien ténébreux.

L’introduction ou le maintien de la réflexion dans l’espace relationnel ne peut que nous faire découvrir ou redécouvrir le sentiment dans ce qui nous relie à l’autre et à la vie dans toute sa plénitude.  Le sentiment et son prolongement, la passion, est bien le grand absent à notre époque de recherche de confort dans l’immédiat ou de solution de facilité.

Le lien amoureux vécu couramment se réduit à la relation de possession. L’autre devient le siège d’un amour narcissique, imaginaire ou en tant qu’objet de complétude, incarne notre propre idéal. Toutefois, nous pouvons aimer l’autre en tant que source de plaisir et de joie, par la manifestation de sa présence, de son existence, par la puissance du vivre qu’il suscite en nous.

L’amitié, l’amour paternel, fraternel, filial, l’amour entre deux êtres, quand il ne se réduit pas au désir sexuel, c’est philia. Cet amour qui témoigne de la  bienveillance et de l’entraide rend davantage compte des relations interpersonnelles. Il s’impose d’autant plus sous l’effet du renoncement à la satisfaction immédiate des désirs, de l’acceptation de l’absence de l’autre et de la part irréductible en l’autre.

Il existe une autre forme d’amour. Elle provient de la volonté divine, c‘est l’agapé. Elle s’exprime selon le précepte suivant : «  Aime ton prochain comme toi-même ». Elle est sans condition et sans calcul, jaillit gratuitement sous la forme  d’expression de grâce.

Cet amour qui définit la charité chrétienne n’est pas « naturellement » humain. Il est toutefois ce qui relie l’homme au divin et qu’il découvre quand il s’ouvre à la transcendance. Il nous ouvre sur des perspectives inouïes dans le domaine de l’approfondissement du réel et de la connaissance, en même temps qu’il fonde notre liberté comme nous le rappelle Saint Augustin : «  Aime et fais ce que tu veux ! ». ( Extrait du livre L’homme intérieur )